La naissance de l’ostréiculture en France

Le développement de l’ostréiculture en France eu lieu en France dans des conditions particulières.

La menace de pénurie d’huîtres

 

Naissain d'huîtres plates

Cette gravure de Victor Coste montre les diverses étapes du développement des huîtres plates. A cette époque seules celles-ci existent sur les côtes françaises.

Depuis les romains chez lesquels elle est hautement considérée, l’huître n’a pas perdu sa réputation. Avec la renaissance, sa renommée va encore s’accroître. La facilité de son exploitation va très tôt en faire un produit menacé. Et ceci se comprend car on l’exploite de toutes les manières possibles : à la drague, au râteau, à pied … Les huîtres ramassés sur les bancs naturels sont simplement vendues directement ou parfois stockées dans des claires pour faire face aux variations de la demande et les rendre meilleure.

Au XVIIe siècle, les bancs sont considérés comme inépuisables comme le montre l’ordonnance de R.J. Valin de 1681. C’est ainsi que dès la seconde moitié du XVIIIe les réglementations s’accumulent : interdiction totale de pêche, limitation des moyens ou limitation dans le temps. Mais si ces règlements permettent d’empêcher la disparition des huîtres, ils ne permettent pas aux bancs naturels de se reconstituer durablement. La situation va véritablement devenir préoccupante lorsqu’au XIXe siècle le commerce de l’huître, grâce au chemin de fer, connaît un essor spectaculaire. Les huîtres, en vogue à l’époque dans la haute société (déjeuners d’huîtres), finissent par se faire rares et la pénurie menace certaines régions. Il devient peu à peu évident que ce type d’exploitation des bancs naturels ne peut se perpétuer indéfiniment.

L’inspiration étrangère

Fagots collecteurs de naissain d’huître plate. Il s’agit des installations du lac de Fusaro, en Italie, qui inspirèrent Victor Coste pour ses propres essais.

C’est à la suite d’un rapport alarmiste du ministère de l’agriculture et du commerce que Napoléon III nomma V. Coste à la tête des recherches sur l’huître. La solution résidait pour Coste qui avait déjà effectué des recherches en pisciculture, sur le contrôle de bout en bout du cycle d’élevage de l’huître et notamment de son captage. Il partit donc pour l’Italie où se perpétuait la culture de bancs artificiels d’huîtres dans le lac Fusaro. Ce voyage lui permit de passer en revue en France et en Italie les méthodes d’élevage des huîtres et des moules. Coste observa au lac Fusaro avec intérêt les fagots qui servaient à capter le naissain d’huîtres. Pour Coste, ces observations constituent une première approche expérimentale du captage des larves d’huîtres que viennent étayer ses connaissances de la biologie de la reproduction des huîtres. Toutes ces observations seront minutieusement rapportées et publiées en 1855 avec la première édition de “Voyage d’exploration sur le littoral de la France et de L’Italie”. Un appendice y sera ensuite ajouté où Coste décrit divers “appareils propres à recueillir le naissain des huîtres”.

Voici comment Victor Coste y décrit ce que nous appelons aujourd’hui les collecteurs : “Les jeunes huîtres, en abandonnant les valves de la mère, errent çà et là au sein des eaux, et semblent y chercher des conditions propres à faciliter leur adhérence et leur développement ultérieur, c’est à dire des corps solides, offrant des surfaces légèrement rugueuse et à l’abri de l’envahissement des vases.”.

Les premiers essais

Ferdinand De Bon

Plancher collecteur de Ferdinand de Bon

Plancher collecteur de Ferdinand de Bon : ce plancher décrit par Victor Coste fût imaginé par F. de Bon pour recueillir le naissain d’huître plate.

Ferdinand de Bon, chef de service de la marine à Saint-Servan, fait figure de précurseur lorsqu’en 1853 il tenta de repeupler les bancs de Saint-Servan. Sa méthode de captage est différente : il fait poser un plancher à 15cm du sol constitué d’éléments séparés et destiné à permettre la fixation des larves. Coste a visité ses installations et le félicitera pour l’avance de ce projet sur son temps. On peut retrouver les croquis des installations de De Bon dans l’appendice sur les collecteurs du livre de Coste.

Victor Coste

Victor Coste va les années suivantes beaucoup s’impliquer dans le développement de ce qui sera appelé plus tard l’ostréiculture. Pour lui il est urgent de repeupler les bancs naturels généralement dévastés par les dragues. Il finira par en convaincre l’empereur qui lui donnera d’importants moyens. En 1858, l’expérience débute dans la baie de Saint Brieuc, baie dont le peuplement d’huître a particulièrement été mis à mal. La méthode de repeuplement de Coste est la suivante : il délimite de nouveaux bancs artificiels, encore vierges d’huîtres, qu’il recouvre de coquilles sèches. Ces squelettes de bancs sont complétés par des fagots de branchage mis en suspension dans l’eau et destinés à la récolte du naissain. Les huîtres, elles, sont importées de Cancale et de Tréguier par deux navires : l’Ariel et l’Antilope puis semées sur les bancs. L’expérience est réussie : six mois plus tard des quantités impressionnantes de petites huîtres sont observées sur les fagots.

Les débuts ne furent pourtant pas aussi simples. Coste qui voulait repeupler l’ensemble des côtes françaises, se heurta lorsqu’il étendit son expérience les années suivantes à d’autres régions, aux aléas climatiques ou même au pillage des installations.

Jean Michelet

Cet état des lieux des pionniers de l’ostréiculture ne saurait être complet sans mentionner la trouvaille fort utile d’un maçon arcachonnais, Jean Michelet en 1865. Il propose en effet d récolter le naissain d’huîtres grâce à une tuile chaulée. Cette amélioration permet de récolter les huîtres plus facilement et fut un déclencheur de l’ostréiculture arcachonnaise.
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Le développement d’une industrie ostréicole

L’essentiel était donc fait et peu à peu, sous les efforts redoublés de Coste et de nombreux pêcheurs locaux, les techniques s’affinent et les demandes de concession se multiplient. En 1860 on dénombre 2000 parcs sur l’île de Ré ainsi que 112 concessionnaires pour 400 ha à Arcachon. Même si ces exploitations arcachonnaises péricliteront, on y retrouvera tout de même 287 parcs en activité en 1866 puis 4015 en 1887.

Détrocage des huîtres au début du 20ème siècle

Détrocage des huîtres au début du 20ème siècle dans les établissements Baudrier et Tricart, un ancien établissement ostréicole de Marennes-Oléron.

L’ostréiculture pu se développer sur ces bases et être une source de revenu solide pour les populations côtières. L’industrie naissante fut stimulée par l’arrivée de la portugaise vers 1870 qui gagna d’abord le bassin d’Arcachon puis remonta jusqu’en Vendée mais s’arrêta aux portes de la Bretagne. Ainsi naquit l’industrie ostréicole. Cette évolution présente un des premier processus où l’homme fut contraint de changer ses méthodes d’exploitation d’une espèce afin de la préserver. On y voit un exemple de transition d’une gestion par le sabordage des ressources vers l’exploitation durable de cette ressource. Toutes ces adaptations finirent, en 1877, par faire entrer le terme ostréiculture dans le dictionnaire de Littré.